Arts et Loisirs
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Conférence mardi 5 novembre 2013

Braque et Picasso


Expositions "Georges Braque" au Grand Palais, Galeries nationales, du 18 septembre 2013 au 6 janvier2014 Musée Picasso, réouverture 2014, après travaux

par M.Christian Monjou, Professeur de Khâgne au lycée Henri IV et chargé de cours à l’agrégation ENS Ulm

Braque, ce géant
Le Grand Palais montre une belle rétrospective de l’oeuvre de ce géant du cubisme, à tort négligé.
Ils ont trouvé une nouvelle manière de peindre la réalité… Historiquement, deux artistes se disputent l’invention du cubisme en 1907. Pablo Picasso, l’Espagnol qui vit à Paris, réalise une scène de bordel, dont le style est inspiré de l’art africain, « Les Demoiselles d’Avignon ». Georges Braque, le Français, peint des paysages géométrisés dans le sud de la France, sous l’inspiration de Cézanne. La mémoire collective aura retenu la création si médiatique de Picasso. Pourtant, en ce moment au Grand Palais, Braque est présenté comme l’inventeur du cubisme, via une vaste rétrospective en 220 tableaux.
Ce fils de peintre en bâtiment né en 1882 à Argenteuil et mort en 1963 fait la connaissance de Picasso en 1907. Et il n’a pas du tout le même chemin pictural pour arriver au cubisme. Quels que soient les débats sur cette paternité, l’expo, excellente, mérite le déplacement. Au moins pour deux toiles exceptionnelles placées côte à côte dans la première salle : « Arbres à l’Estaque » et « Maisons à l’Estaque ». Les deux ont été peintes à l’été 1908 dans ce petit port de pêche de la banlieue de Marseille cher à Cézanne. Aussi inventives soient-elles, ces oeuvres sont un hommage au maître d’Aix. Le cubiste y reprend les tons de jaunes chauds, marron et verts ainsi que la composition en arc qu’on peut voir dans les peintures des baigneurs de Cézanne. Ce dernier écrivait en 1904 : « traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône ». Braque fait ainsi danser le paysage en une ronde harmonieuse, comme à travers une lentille déformante.
Différentes sortes de cubisme
Le reste de sa carrière sera fondé sur cette invention majeure. Il va passer à différentes sortes de cubismes plus sophistiqués dont le déroulé, exposé par séries, est bien développé au Grand Palais. Cubisme analytique entre 1909 et 1912 avec des angles droits enchevêtrés dans les gris et beiges. Cubisme synthétique entre 1913 et 1917, quand il transpose ses papiers collés en peinture. Les ateliers, paysages et natures mortes des années trente et quarante – toujours cubisants – méritent une observation attentive. Braque est un génie de la composition et de l’ordonnancement des couleurs. Il faut regarder le détail des compositions comme « La Caisse d’emballage » de 1947. On s’en doute, ce n’est pas le sujet qui prime. Jusqu’à ses derniers soupirs, Braque est en quête d’une nouvelle peinture. Il écrit : « Le sujet n’est pas l’objet. Le peintre pense en formes et en couleurs. »

Judith Benhamou-HuetLes Échos du 27/09 | 00:19