Arts et Loisirs
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Conférence mardi 17 décembre 2013

Le Surréalisme et l’Objet


Exposition au Centre Pompidou Beaubourg, du 30 octobre 2013 au 3 mars 2014

par Madame Cendrine VIVIER

«Le Surréalisme et l’Objet» illustre un paradoxe fort intéressant: pourquoi le Surréalisme, qui rejette le Monde réel pour ne connaître qu’un univers intérieur fait de rêveries et de pulsions a a-t-il dû s’adapter au matérialisme dialectique lorsqu’il a adhéré à l’idéologie marxiste, et donc finalement composer avec un réel qu’il rejetait au départ?
Le Centre Pompidou accueille régulièrement des manifestations culturelles consacrées au Surréalisme, parmi celle-ci «La révolution surréaliste» (2002), «La subversion des images» (2009), ou plus récemment encore Salvador Dali. A chaque fois, on se demande, un brin sceptique, si le filon surréaliste n’est pas définitivement épuisé: la source surréaliste n’est-elle pas tarie à force d’être si souvent utilisée? Peut-on encore jeter un regard nouveau sur les créations de la « bande à Breton »?
Aves «Le Surréalisme et l’Objet», le commissaire d’exposition Didier Ottinger a opté pour un parti-pris bien singulier: nous placer d’emblée sur la ligne fractale du Mouvement, provoquée par l’évolution « matérialiste » du Surréalisme. On sait que depuis le manifeste fondateur lancé par André Breton, le Surréalisme s’ancre dans le rêve, l’inconscient, les pulsions secrètes, intimes, érotiques, et semble alors nier le réel, pour privilégier un monde «intérieur».
Pourtant, Didier Ottinger rappelle qu’en 1927, les surréalistes s’engagent politiquement en faveur du communisme et de son idéologie matérialiste. Alors, comment l’art surréaliste a-t-il dû finalement composer avec un réel qu’il rejetait au départ?
«Le Surréalisme et l’Objet» rend compte de ce dilemme : le surréalisme s’est trouvé en partie contraint de se conformer à la matérialité du monde et de ses objets, afin de créer une «physique de la poésie» et de se défendre ainsi de ceux qui le taxent d’idéalisme. L’enjeu consiste donc à trouver une nouvelle voie: réussir à incarner et matérialiser l’idéologie surréaliste dans des objets, sans pour autant basculer dans ce que les marxistes appellent la «fétichisation de la marchandise». La marge de manœuvre semble alors bien étroite pour André Breton.
Le parcours de l’exposition commence toutefois en amont du Surréalisme, en 1914 précisément, afin de nous présenter deux types d’œuvres dont les surréalistes vont très largement s’inspirer. Tout d’abord, les «ready-mades» de Marcel Duchamp, dont le Porte-bouteilles est la première production. On retrouve ensuite les mannequins de Giorgio De Chirico, notamment dans Le Prophète.
« L’objet trouvé « transposé en œuvre d’art et » le mannequin » apparaissent dès lors comme les deux fils conducteurs de l’exposition :
En effet, « l’objet trouvé » se veut plus humble qu’une œuvre réalisée par un génie, laquelle est considérée comme l’objet des spéculations et de la fétichisation marchande. A l’image de Brassaï, qui réalise une commande pour la revue Minotaure, il s’agit alors de puiser dans le réel des œuvres ou des sculptures involontaires, et de les révéler à notre regard (coquillage, dé à coudre, savon, etc…).
Aussi, les objets trouvés peuvent s’assembler, à la manière des collages et montages hérités du Dadaïsme. Dans ce cas, la beauté artistique est comprise, selon la célèbre formule de Lautréamont, comme «la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre !.. Rencontre que Man Ray matérialise et photographie d’ailleurs.
« 
Les mannequins », se situent entre l’humain et le monstrueux, le vivant et le mécanique, composant finalement une réalité inquiétante, voire effrayante (La Poupée désarticulée de Hans Bellmer apparaît dans ce cas tout à fait emblématique), et illustrent en ce sens les théories freudiennes sur «l’inquiétante étrangeté» du quotidien. »

Source : Par François Salmeron
http://www.paris-art.com/marche-art/le-surrealisme-et-l-objet/hans-bellmer/