Ribera. Ténèbres et Lumières
Petit Palais du 5 novembre 2024 au 23 février 2025par Emilie Jean
En savoir plusS’il est un domaine où la violence est acceptée, c’est la peinture. Elle est même célébrée tant elle peut produire du grandiose. Des douleurs, du sang, de la détresse et tous les détails de la souffrance. Une hyper expressivité servis par une immense virtuosité. C’est ce qu’on peut voir dans l’exposition exceptionnelle du Petit Palais consacrée à Jusepe de Ribera (1591-1652).
Ce « ténébrisme » lui vaut une admiration appuyée au XIXe siècle de la part des Baudelaire ou Manet. Mais elle trouve peu d’échos au XXe siècle. Il était donc temps de ressortir l’Espagnol de l’ombre. L’exposition propose 70 tableaux plus une trentaine d’œuvres sur papier avec un scoop pour les historiens de l’art : l’identification de sa période romaine.
Regardé en son temps comme « encore plus noir » que Caravage, Ribera aime à silhouetter des figures du quotidien pour les transposer dans des toiles sombrement lyriques, mêlant les grands thèmes édifiants au prosaïsme de la rue.(…) Conférant une dignité picturale aux humbles, Ribera peint des gitanes, des mendiants, une vieille usurière, et laisse derrière lui des toiles renommées présentes au Petit Palais, tel Le Pied-bot du Louvre, ainsi que cette femme à barbe qui reste l’un des joyaux du Prado. D’un frénétisme qui pourrait annoncer les peintures noires de Goya, peignant avec Le Martyre de saint Barthélémy un écorché terrifiant, Ribera prélude à une certaine modernité du trait par ses compositions en asymétries et diagonales, libérant dans ses gravures à l’eau-forte et ses dessins à la sanguine, plume ou encre, une verve de caricaturiste burlesque.
Auteur d’étonnants paysages où l’arrière-fond devient sujet, enrichissant avec l’âge sa palette de drapés irisés et de ciels bleu turquoise, ce sombre flamboyant aimé des princes suscita l’intérêt de Baudelaire et de Manet, tant ses angles de vue sur l’époque baroque consonnaient avec l’esprit de ces artistes de la vie moderne.
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Ces scènes de martyre, de torture ne sont pas nées d’une imagination enfiévrée, mais d’un temps où les exécutions et les supplices faisaient partie de la vie quotidienne. D’une certaine manière, l’artiste témoigne, comme dès son arrivée à Rome, que les artistes vivent dans les milieux les plus populaires – ainsi que l’avait déjà montré Annick Lemoine, la directrice actuelle du Petit Palais, dans une exposition précédente – (…) Sans doute est-ce là, au-delà de sa virtuosité, de la puissance dramatique, le legs de Ribera. L’attention aux hommes et aux femmes ce qu’ils sont, dans leur misère et leur grandeur.
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S’il n’avait été qu’un peintre d’une exceptionnelle dextérité, Ribera intéresserait sans doute, mais seulement pour des questions de style, ce qu’il a tiré du caravagisme et ce qu’il en a transmis. Parce qu’il est le chroniqueur obsessionnel du mal, il est un contemporain éternel.
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